Réponse intégrale de Patrick Bourbeau
Première partie de cette réponse concernant la Turquie
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L’utilisation planifiée de la communication dans le but d’influencer les attitudes et les comportements devrait […] précéder, accompagner et suivre tout usage de la force. Autrement dit, les opérations psychologiques représentent un système d’armes ayant un rôle important à jouer en temps de paix, tout au long du conflit et dans la foulée de celui-ci. – Colonel Alfred H. Paddock, Jr., Les opérations psychologiques militaires et la stratégie des États-Unis, Collège de guerre de l’armée des États-Unis, novembre 1983. Cité dans l’article de Robert Parry, Comment les États-Unis ont inondé le monde de PSYOPS, 25 mars 2017.
Au moment où François Cardinal écrivait son éditorial du 8 avril, il n’existait aucune preuve que le gouvernement syrien était responsable des attaques de Khan Cheikhoun. Non seulement aucune preuve n’avait été présentée au public, mais en plus, aucune preuve n’avait été présentée au Conseil de sécurité de l’ONU.
Bien que quelques rapports soient parus depuis, aucun n’a sérieusement démontré la responsabilité du gouvernement syrien, même s’ils le prétendent. Nous reviendrons sur la validité de ces rapports plus tard.

La Syrie et la Russie n’ont pas non plus prouvé que les « rebelles » ont perpétré l’attaque et il n’y a toujours pas eu d’enquête indépendante sur le terrain, donc, à ce jour, nous ne savons toujours pas qui est responsable.
Le texte qui accompagne les récentes images publiées par CNN le 9 mai dit que « des témoins affirment que peu avant 7 heures des jets du gouvernement ont bombardé la ville, les frappes lâchant un gaz empoisonné qui a tué 92 personnes au total ». (C’est l’auteure qui souligne ici et partout ailleurs.)

The Sun, qui a repris la nouvelle, parle d’attaque « présumée ».
François Cardinal a cependant accusé Bachar Al-Assad avec certitude le 8 avril en parlant de « l’attaque au gaz sarin du dictateur syrien ».
L’éditorialiste en chef de La Presse n’a pas écrit « certains affirment que le gouvernement syrien est responsable », il a clairement écrit que Bachar Al-Assad avait perpétré les attaques, ne laissant aucun doute sur sa responsabilité. Il s’agit du point principal de ma plainte.
Dans sa réponse, Patrick Bourbeau confirme que François Cardinal n’avait aucune preuve de la responsabilité d’Assad puisqu’il justifie les affirmations catégoriques de son éditorialiste avec des allégations et des affirmations. Il écrit :
François Cardinal s’est appuyé sur un large éventail d’experts, de reportages et de témoignages pour rédiger sa prise de position.
On retrouve comme vous le dites, dans le lot, les Casques blancs, qui demeurent une référence sur le terrain malgré les réserves que vous citez. Et il y a l’Observatoire syrien des droits de l’homme, dont la voix compte malgré le fait qu’il soit basé à Londres. La comptabilisation des victimes qu’elle effectue depuis le début du conflit est d’ailleurs une référence.
Mais ces sources sont loin d’être les seules à affirmer que le régime Al-Assad est derrière l’attaque chimique de Khan Cheikhoun.
Par exemple, les gouvernements occidentaux comme la France et l’Allemagne, à mots à peine couverts, ont affirmé par la voix de leur chef d’État respectif que Bachar Al-Assad méritait le bombardement américain en raison de «son recours continu aux armes chimiques». (C’est l’auteure qui souligne ici et partout ailleurs dans le texte.
M. Bourbeau ajoute :
[…] le Royaume-Uni a affirmé que «l’action américaine est une réponse appropriée à l’attaque barbare à l’arme chimique lancée par le régime syrien». Le chef de la diplomatie britannique, Boris Johnson, a même affirmé que «toutes les preuves que j’ai vues suggèrent que c’était le régime d’Assad (…) utilisant des armes illégales en toute connaissance de cause sur son propre peuple».
En résumé, selon le directeur des Affaires juridiques de La Presse, Bachar Al-Assad est bel et bien responsable des attaques chimiques puisque les Casques blancs, l’Observatoire syrien des droits de l’homme, la France, l’Allemagne et le Royaume Uni l’ont affirmé.
Deux méga problèmes ici : 1) aucun n’a prouvé quoi que ce soit; 2) ils sont tous impliqués dans le conflit syrien et ont tous le même but affiché : renverser Assad.
Donc, selon la Presse, si tous les ennemis d’Assad affirment qu’il est coupable, ben… il est coupable! C’est aussi simple que cela! À quoi bon les enquêtes indépendantes?
Il y a dans cette logique de quoi rendre jalouse l’Inquisition espagnole.

Ces trois paragraphes de Patrick Bourbeau pourraient à eux seuls servir d’étude de cas dans un cours d’analyse de l’actualité portant sur la différence entre « faits » et « allégations », mais aussi sur la neutralité et la diversité des sources.
Si le terme « éventail » implique la diversité, jusqu’à présent le « large éventail » de François Cardinal a à peu près l’épaisseur d’un cheveu puisqu’il se compose entièrement d’ennemis avérés de Bachar Al-Assad. En frais de diversité des sources, assez difficile de faire pire :
- Les Casques blancs ou « Défense civile syrienne » : se disent neutres alors qu’ils sont financés à coups de millions par les États-Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne et d’autres pays. La véritable Défense civile syrienne n’a aucun lien avec les Casques blancs;
- L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) : l’affaire d’un seul homme, Rami Abdel Rahmane, basé à Londres, souhaitant le départ d’Assad, financé par l’Union européenne et dont les liens avec le gouvernement britannique sont bien documentés. On peut même lire dans Le Figaro: « Peu d’experts du conflit accordent de la crédibilité aux informations de l’OSDH, et beaucoup s’abstiennent de citer ce que le chercheur Frédéric Pichon qualifie même d’«officine artisanale, sans réelle fiabilité».
- La Turquie (voir le texte précédent), la France, l’Allemagne et le Royaume Uni, tous membres de l’OTAN, on tous appuyé les « rebelles » depuis le début, comme nous le verrons dans la suite du texte.

Source: Al-Monitor
Les déclarations de ces sources nommées par Patrick Bourbeau sont-elles crédibles? On peut se permettre d’en douter, compte tenu de leurs intérêts dans cette guerre et de leurs liens avec des groupes terroristes.
Les Casques blancs, alliés d’Al-Qaïda/Al-Nosra en Syrie
Boris Johnson, chef de la diplomatie britannique cité par M. Bourbeau, dit avoir vu des preuves. Lesquelles? Celles des Casques blancs? Ces preuves ont-elles été présentées au Conseil de sécurité? Si oui, pourquoi l’ONU n’a pas autorisé les frappes? Sinon, pourquoi ces preuves n’ont-elles pas été présentées?
Un diplomate qui affirme avoir vu des preuves, ne constitue pas une preuve en soi, surtout si ces preuves proviennent d’une organisation qu’il finance.
On peut entendre Boris Johnson dans la vidéo ci-dessous admettre avec fierté que les contribuables britanniques ont donné 65 millions de livres sterling aux Casques blancs, dont 32 millions d’aide non-humanitaire.
Les Casques blancs sont selon lui des gens d’une « bravoure fantastique ».
Voici la fantastique mise en scène d’un sauvetage des braves Casques blancs :
Ça méritait bien un Oscar.
La vidéo suivante, réalisée par la coalition des États-Unis et du Royaume Uni Hands Off Syria, dresse pour sa part un portrait assez peu fantastique de ces braves hommes, qui, selon M. Bourbeau, « demeurent une référence sur le terrain ». Le groupe prétendument neutre et non armé a été filmé en train de célébrer aux côtés du Front Al-Nosra à grands coups de « Allahu Akbar »!
Le narrateur rappelle qu’en 2016, Raed Saleh, le chef des Casques blancs, a été refoulé à la frontière des États-Unis parce qu’il constituait une menace pour la sécurité du pays.
Les États-Unis ont admis avoir donné 23 millions de dollars à ce groupe « neutre » et dans la vidéo on peut entendre l’ancien attaché de presse de la Maison-Blanche, Mark Toner tenter d’expliquer pourquoi les Casques blancs sont un groupe fantastique et dire que les États-Unis vont continuer de les appuyer même si leur chef représente un danger pour la sécurité des États-Unis. Il faut séparer l’individu du groupe, dit-il. « Comment peut-on séparer le chef d’un groupe de son groupe », demande un journaliste.
Excellente question. Si on pouvait séparer un leader de son groupe, Nirvana existerait encore aujourd’hui.
Blagues funestes à part, voici la vidéo complète de Mark Toner répondant aux questions des journalistes sur le chef des Casques blancs. Ses réponses sont priceless :
La journaliste britannique Vanessa Beeley a écrit de nombreux articles au sujet des Casques blancs et fait de nombreuses entrevues sur le terrain, lesquelles démontrent que ce groupe est intimement liés à Al-Qaïda et au Front al-Nosra.
Elle a récemment publié cette vidéo de Khaled Iskef, un journaliste indépendant basé à Alep, lequel révèle, dit-elle, que les Casques blancs sont en réalité la Défense civile d’Al-Nosra.
Autre signe des liens entre les Casques blancs et les groupes terroristes : le leader de « Tahrir al-Cham, la nouvelle incarnation d’Al-Qaïda »/Front al-Nosra en Syrie, Hachem al-Cheikh, aussi connu sous le nom de Abou Jaber, a remerciés les Casques blancs et les a qualifiés de « soldats cachés » de la révolution. Abou Jaber était autrefois le chef de Ahrar al-Cham, « un groupe militant sunnite et salafiste opérant en Syrie et visant à remplacer le régime Assad par un gouvernement islamique », selon un article de l’Université Stanford.
La crédibilité des Casques blancs a par ailleurs été mise en doute par l’ONG Swedish Doctors for Human Rights, laquelle a analysé leurs procédures médicales dans leurs vidéos. Les médecins ont conclu que les sauvetages sont des simulations (fake lifesaving) et que de mauvaises pratiques médicales avaient été commises sur des enfants.
Appui indéniable des gouvernements occidentaux aux djihadistes/terroristes en Syrie
Osez dire que les terroristes en Syrie sont appuyés par les nobles et démocratiques pays occidentaux, surtout le guide suprême, l’Amérique, la « ville qui brille au sommet de la montagne », et les étiquettes de conspirationnistes ne tarderont pas à se ruer sur vous comme des jeunes filles en pleurs sur Justin Bieber.
Pourtant, les preuves sont nombreuses, bien documentées et indéniables.
Il existe un document fondamental à la compréhension de la guerre en Syrie et dont la presse occidentale a ignoré l’existence. Il est écrit noir sur blanc dans un rapport du 30 juillet 2012 de la Defense Intelligence Agency (DIA), une branche du département étasunien de la Défense, que l’Occident appuie Al-Qaïda en Syrie.
On peut clairement lire à la page 3 :
- Les salafistes, les Frères musulmans, et AQI (Al-Qaïda en Irak) sont les forces majeures menant l’insurrection en Syrie.
- L’Occident, les pays du Golfe, et la Turquie appuient l’opposition […]
- AQI a appuyé l’opposition syrienne dès le départ […]
- AQI a mené plusieurs opérations sous le nom de Jaish Al-Nosra.
Pas besoin de lire entre les lignes pour saisir l’essentiel : les pays occidentaux appuient l’opposition en Syrie depuis le début et l’insurrection est menée par Al-Qaïda et Cie depuis au moins 2012.
En ce qui concerne l’opposition, voici ce qu’en disait en janvier 2012 (ici aussi) le révérend néerlandais Frans van der Lugt, prêtre jésuite de Homs :

La plupart des Syriens n’appuient pas l’opposition. Vous ne pouvez donc pas dire qu’il s’agit d’un soulèvement populaire. La majorité des gens ne font pas partie de la rébellion et ne font certainement pas partie de la rébellion armée. Il s’agit avant tout d’une lutte entre l’armée et les groupes sunnites armés qui visent à renverser le régime alaouite et à prendre le pouvoir.
Dès le début, les mouvements de protestation n’étaient pas purement pacifiques. Dès le début, j’ai vu des manifestants armés marcher dans les manifestations et être les premiers à tirer sur les policiers.
L’ancien ambassadeur indien en Syrie V. P. Haran, en poste de 2009 à 2012, disait la même chose l’an dernier en entrevue avec la revue indienne Fountain Ink.

Il affirme que les premiers soulèvements ne comptaient que très peu de gens et que devant le refus de la population d’Alep de se soulever contre le gouvernement en 2011, l’opposition « a envoyé à Alep des autobus bondés » :
Ces gens mettaient le feu dans les rues et partaient. Les journalistes rapportaient ensuite qu’Alep s’était soulevée […] Certains médias […] ont rapporté des événements qui ne se sont jamais produits. Il y a eu beaucoup d’exagération dans les médias.
Il ajoute qu’Al-Qaïda était en Syrie dès le début des « soulèvements populaires ».
Al-Qaïda était là dès la toute première semaine ou, à tout le moins, dès fin 2011 quand les drapeaux d’Al-Qaïda sont apparus. Ce sont ces groupes qui ont fourni à l’opposition de l’appui provenant de l’extérieur.
À ce document du renseignement étasunien et ces témoignages s’ajoute l’article de Seymour Hersh, The Redirection, publié par le New Yorker en 2007. On peut y lire :
Les États-Unis ont aussi participé à des opérations clandestines visant l’Iran et son allié, la Syrie. L’appui à des groupes extrémistes sunnites épousant une vision militante de l’islam, hostiles envers les États-Unis et favorables à Al-Qaïda est un sous-produit de ces activités.
Faites le lien avec ce que le général Wesley Clark, ancien commandant en chef de l’OTAN, disait la même année, soit que le Pentagone planifiait de renverser 7 gouvernements en 5 ans: l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l’Iran.
Roland Dumas, ancient ministre français des Affaires étrangères a lui aussi affirmé que cette opération de changement de régime en Syrie était prévue depuis longtemps :
Le rôle d’un journaliste est de faire des liens entre les événements. Mettons tous ces éléments ensemble, soit le document du renseignement, le reportage de Hersh et les témoignages de personnes de divers horizons, et comparons les aux faits : 3 pays de la liste de Clark ont bel et bien été attaqués et la montée en puissance de groupes extrémistes comme l’EI/Daech illustre bien ce dont Hersh parlait. Le portrait de la guerre à en Syrie devient ainsi complètement différent de celui véhiculé par des médias comme La Presse.
Surtout si l’on ajoute le moment où les Occidentaux ont décidé d’armer les « rebelles ».
Tous les gouvernements que Patrick Bourbeau cite comme faisant partie du « large éventail d’experts, de reportages et de témoignages » sur lequel François Cardinal s’est basé « pour rédiger sa prise de position », ont appuyé et armé l’opposition en Syrie – appuyée par Al-Qaïda et Cie — peu de temps après la rédaction du document de la DIA.
Ils savaient donc tous pertinemment à qui iraient ces armes.
Article du Guardian de décembre 2012 : « La France finance les rebelles syriens afin de renverser Assad » : l’argent et les armes ont été livrées par la frontière turque.
Article de Reuters d’août 2012 : « L’Allemagne aident les rebelles syriens avec un bateau espion »
Article du Telegraph de novembre 2012 : « La Grande-Bretagne fera des rebelles syriens une force de combat efficace »
Et le dernier et non le moindre :
Article de Business Insider de 2012 : « Les États-Unis envoient ouvertement des armes lourdes de la Libye aux rebelles syriens. » On peut lire dans les deux derniers paragraphes :
Nombreux sont ceux qui soupçonnaient que les États-Unis envoyaient déjà des armes lourdes.
L’administration a dit que l’opération de la CIA à Benghazi, secrète jusqu’à tout récemment, impliquait la recherche, le rachat et la destruction d’armes lourdes pillées dans l’arsenal du gouvernement libyen. Cependant, en octobre, nous avons rapporté l’existence de preuves indiquant que des agents des États-Unis – particulièrement l’ambassadeur assassiné Chris Stevens – étaient à tout le moins au courant que des armes lourdes passaient de la Libye aux rebelles djihadistes en Syrie.
Au fil des ans, rien n’a changé et ces gouvernements ont continué à armer et appuyer les terroristes, puisque les soi-disant « rebelles modérés » qu’ils prétendent appuyer ne semblent pas exister.
En 2014, Ben Reynolds écrivait dans l’article « There are no moderate Syrian Rebels » publié par Counterpunch : « Il n’y a que trois organisations rebelles avec des effectifs considérables, de l’équipement et occupant un territoire en Syrie : l’EI/Daech, le Front Al-Nosra et le Front islamique […] À elle seule ces trois forces [entre 65 000-85 000 djihadistes] représentent presque la totalité des 100 000 combattants de l’opposition syrienne. » Ces chiffres proviennent de The Hill, Rand et Reuters.
Cette année, la représentante démocrate Tulsi Gabbard, de retour d’un voyage en Syrie, a déclaré à CNN que les Syriens qu’elle a rencontré lui ont dit qu’« il n’y a pas de rebelles modérés ».
Qui a recruté ces djihadistes/terroristes?
Selon le média israélien DEBKAfile, dont les rédacteurs ont un long parcours dans de grands médias, incluant The Economist, L’Express et le Daily Mail, l’OTAN a commencé à recruter des jihadistes en 2011 pour qu’ils aillent se battre en Syrie :
Nos sources rapportent qu’à Bruxelles et Ankara il a également été question d’une campagne pour enrôler des milliers de volontaires musulmans dans les pays du Moyen-Orient et le monde musulman pour se battre auprès des rebelles syriens. L’armée turque les hébergerait, les entraînerait et assurerait leur passage en Syrie. (Assad may opt for war to escape Russian, Arab, European ultimatums, Debkafile, 31 août 2011, article payant.)
En mai 2017, on peut facilement constater que tout cela s’est bien produit.
Cette campagne de recrutement a d’ailleurs fini par grossir les rangs du Groupe armé État islamique et a été bien plus populaire que celle visant à le combattre.
En juillet 2015, CNN rapportait que le secrétaire à la Défense Ashton Carter avait admis n’avoir trouvé que 60 « rebelles modérés » pour un programme visant à entraîner une force locale pour combattre l’État islamique en Syrie.
Deux mois plus tard, le Pentagone admettait que les rebelles qu’ils entraînaient en Syrie avaient remis une partie de leurs armes fournies par les États-Unis au Front Al-Nosra. Accident de parcours?
En septembre 2013, Obama a levé l’interdiction de fournir des armes aux groupes terroristes afin justement de pouvoir armer « les rebelles modérés » dans le cadre de ce programme. Ce geste lui avait valu à l’époque la critique véhémente de Jeffrey T. Kuhner dans le très conservateur Washington Times :
Le président Obama a franchi une ligne rouge morale. Il a récemment posé un geste impensable : il a annoncé que le gouvernement des États-Unis armerait directement les groupes terroristes en Syrie […] Il […] insiste pour dire que les armes iront uniquement à des groupes d’opposition « approuvés ». C’est un leurre. Les soi-disant non-islamistes – l’Armée syrienne libre – ne sont pas modérés et demandent l’instauration de la charia en Syrie […] Les armes étasuniennes vont inévitablement se retrouver dans les mains de groupes djihadistes [et] les conseillers étasuniens ne peuvent pas empêcher [ces] armes » de passer aux mains d’Al-Qaïda.
En 2016, comble de l’absurde, le Los Angeles Times publiait l’article suivant dont le titre dit tout : « En Syrie, les milices armées par le Pentagone luttent contre celles armées par la CIA ».
Lol?
On pourrait continuer comme ça pendant des heures, mais comme on dit en bon québécois : Quessé que tu veux de plus?
La quantité de preuves démontrant que les gouvernements des pays de l’OTAN ont recruté, entraîné, financé et armé des groupes terroristes djihadistes pour leur guerre par procuration en Syrie est astronomique.
Quiconque se donne la peine de faire un minimum de recherche ne peut en venir qu’à une seule conclusion : les gouvernements occidentaux appuient le terrorisme en Syrie dans le but de renverser son dirigeant élu démocratiquement. Il est impensable qu’un grand média prétende que les affirmations de ces chefs d’État et leurs diplomates sont crédibles, ne méritent pas d’être questionnées et sont sources de vérité absolue.
Notez que 95 % des sources de cet article sont tout ce qu’il y a de plus mainstream. Toutes ces informations ne peuvent pas être qualifiées de propagande russo-syrienne.
Ceux qui persistent à dire qu’Assad doit partir nient le droit à l’autodétermination des Syriens qui ont voté massivement en 2014 et élu Bachar Al-Assad. Sa victoire a été qualifiée de légitime par une mission d’observation des États-Unis :
V. P. Haran expliquait par ailleurs qu’avant le début de la guerre, « Bachar Al-Assad était un leader populaire et c’est en partie pourquoi il est toujours au pouvoir ».
Tous ces morceaux mis ensemble démontrent que la croyance « médiatico-populaire » selon laquelle les Syriens doivent être libérés du méchant dictateur Bachar Al-Assad et sauvés par les « rebelles » ne colle pas du tout à la réalité, mais ils démontrent surtout qu’il est naïf de croire que les gouvernements occidentaux sont des sources crédibles dans cette guerre et qu’ils agissent dans l’intérêt des Syriens.
Conclusion
L’éditorial de François Cardinal
- fait tout simplement fi de la réalité;
- répète les déclarations sans preuves de groupes impliqués jusqu’au cou dans le conflit syrien et les présente comme des faits accomplis;
- ne doute pas une seule seconde des intentions des gouvernements qui ont armé, financé et entraîné des terroristes pour renverser le président syrien, élu démocratiquement;
- prétend que des bombardements illégaux sont nécessaires et qu’une agression armée est justifiée en se basant non pas sur les faits, mais sur des allégations non prouvée de l’agresseur.

Désolée, mais il n’y a rien de journalistique dans cet éditorial. On croirait un document écrit pour une opération psychologique de l’armée américaine.
Patrick Bourbeau termine sa défense de François Cardinal en disant : « Quant à l’affirmation selon laquelle l’éditorial de François Cardinal “s’apparente à de la propagande de guerre”, ce n’est tout simplement pas le cas ».
J’ose réaffirmer et je pense avoir démontrer qu’au contraire, même si l’auteur et son défenseur n’en sont pas conscients, c’est exactement le cas.